A la une – Denis Roueche

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1. Chantier mobile, 2021, Grue, tubes en PVC et câbles métalliques, Art Môtiers, 2021 (Photo: Prune Simon-Vermot)
2. 50 G, 2020, Acier, Bex & Arts, 2020
3. Hifi, 2018, Carton et feutre, Cantonale Berne Jura, Centre Pasquart, Bienne, 2019 (Photo: Lia Wagner)
4. Champ de bataille, 2015, Bois, Sculptumes et costures, Lausanne, 2015 (Photo: Prune Simon-Vermot)
5. Sapin L, 2020, Acier et adhésif, Eden Eden, Tentlingen, 2021
6. Vue d’exposition V6, Galerie V5, Neuchâtel, 2021 (Photo: Jean-Thomas Vannotti)

« Denis Roueche (*1987) procède par rêverie et fantaisie. Il regarde les choses pour ce qu’elles ne sont pas et ce qu’elles pourraient être … et met en œuvre son inventivité. Il comprend vite comment tirer parti du moindre objet et de sa forme, tout en détournant sa fonction ou en y renonçant entièrement. Il y a là un vrai plaisir d’adulte qui cherche à conserver un rapport récréatif et stimulant avec le monde qui l’entoure, à trouver le moyen de négocier le carcan de la réalité. L’artiste n’opère pas avec une spontanéité naïve, mais bien en connaissance de cause. L’imaginaire qu’il déploie dans son travail artistique, provient, comme il l’explique, des « souvenirs et visions d’aventures qui ont nourri son enfance et sont utilisés consciemment ». S’il joue avec la perception du public poussé à identifier des motifs familiers dans des objets qui les imitent en leur prêtant leurs caractéristiques, il s’agit bien d’images intentionnelles et non de paréidolies visuelles. Ainsi, grâce à différentes stratégies et des gestes simples, des rondins de bois composent une Haltère (2016) archaïque et des roches une Brochette (2020) surdimensionnée ; des tubes du domaine de la construction flottent dans le ciel au moyen d’une grue dans un Chantier mobile (2021), alors qu’ils sont généralement sous terre ; trois panneaux de signalisation triangulaires peints en vert évoquent un Sapin (2020), et l’assemblage de troncs maintenus par des sangles figurent des bâtons de dynamite, un potentiel Boum (2016) au centre de l’espace d’exposition. Ces déplacements, ces réusages et ces jeux d’échelle ne manquent jamais de provoquer une étincelle d’amusement dans l’œil de celle ou celui qui les observe. Diplômé en design graphique de l’ECAL / École cantonale d’art de Lausanne (2012), l’un des terreaux de l’abstraction géométrique lémanique, Denis Roueche recourt aussi à tout un vocabulaire de formes en aplats de couleur et joue de leur ambivalence avec la représentation figurative. Par exemple, chaque Crocodile (2021) est constitué de deux toiles identiques qui s’articulent en miroir, comme un clap, laissant deviner la gueule ouverte de l’animal, grâce à la couleur verte et à l’alternance de petits triangles blancs et noirs, telles des dents pointues. La xylogravure Miam (2015) est un monochrome noir avec un arc crénelé en réserve sur la partie inférieure de la feuille, qui suggère, selon l’orientation donnée par le titre, la trace d’une morsure, comme si quelqu’un avait croqué dans la matrice. Enfin, Nuée de corbeaux (2020) symbolise un groupe d’oiseaux en plein vol, par la seule forme schématisée des ailes en demi-cercles (2020), telles qu’on les dessinerait avec un doigt sur une vitre embuée. Le répertoire de formes communes et donc facilement reconnaissables, ainsi que l’exploration du registre de l’humour, permettent à Denis Roueche de s’adresser au public de manière directe et efficace. Parce que l’artiste sait installer cette connivence entre les œuvres et les spectateur·trice·s, il réalise régulièrement des interventions dans l’espace public. Parmi ces commandes, on trouve un Champ de bataille installé sur la place de Beaulieu, à Lausanne, depuis 2017 : 12 flèches en bois — la hampe est un tronc d’épicéa d’une longueur de 18 mètres et l’empennage est fait de trois planchettes taillées — sont enfoncées dans des zones de verdure. Quand et pour- quoi ont-elles été décochées ? Le danger est-il toujours présent ? Ces flèches immenses sont-elles l’arme d’un peuple de géants ? Qui visaient-elles ? Ce sont là quelques-unes des questions que le public, pris dans sa routine, peut soudainement se poser. Elles le déplacent, en pleine ville et l’air de rien, dans le domaine de la fiction. »

Laurence Schmidlin
Directrice du Musée d’art du Valais


Dans le jardin de Claire Pagni

«Ce n’est pas important de connaître le sujet, mais sur ces petites feuilles légères, j’aime imaginer des lettres à l’écriture mystérieuse, ou peut-être reconnaître des impressions, du jardin, des saisons, de l’eau et de son caractère insaisissable, ou alors j’aime y deviner l’alphabet de la neige ou les branches d’un arbre, peut-être le pommier du jardin devant la maison…»

Comme dans un journal intime sans mots, Claire consigne chaque jour sur le papier une trace de ses impressions de la nature, sans préméditation.
Ce qui me parle dans l’art de Claire, en plus de la beauté du geste, du savoir technique, est, je crois, une qualité de plus en plus rare dans ce monde très égocentrique : son attention pour l’infime, pour l’éphémère, l’auscultation de la nature, la sensibilité pour la lumière qui traverse une feuille, la pluie qui va arriver, le vent qui se lève, bref, la résistance au vacarme. Tout en étant étrangère, et même réfractaire à toute mode ou – pire – tendance, il me semble avoir compris que la force de Claire est peut-être simplement celle de l’écoute, la capacité à être là avec ce qu’elle fait et avec ce qu’elle est, dans le geste et dans la matière. Être là sans s’afficher, sans de grandes théories, sans jamais être sophistiquée, maniérée ou savante. Juste guidée par le désir de travailler, dans une attitude panthéiste d’être au monde.

Antonia Nessi, juin 2024

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